vendredi 27 janvier 2012

"Observe la reality comme elle est"

Le désert s'étend à perte de vue, une route rectiligne le transperce, quelques maisons en bord de route, deux ou trois “deli”. La lumière du petit jour transperce mes paupières closes. Il est 6h 30 du matin, l’heure du petit-déjeuner. Nous sommes au dixième jour, aujourd’hui nous pouvons briser le silence et demain le cours de méditation se termine. Nous nous sentons tous les trois comme neufs, Mike, Yazmin et moi-même après avoir passe dix jours coupé du monde. C’est comme si tout avait changé...ce n’est peut-être que notre perception qui a changé. J’ai le sentiment d’avoir récupéré la vue, comme si je n’avais plus besoin de lunettes. Je vois avec plus de clarté. Nous sommes tous les trois un peu chamboulé. Mike prend l’avion demain pour retourner en Angleterre. Yazmin et moi décidons de rester au centre pour servir pendant deux semaines...l'entrée au centre est gratuite, le centre fonctionne avec les donations, nous décidons de donner notre temps et notre énergie.
Qu’est-ce que Vipassana? Je ne peux pas l’expliquer...Seule l'expérience permet de comprendre cette technique, c’est à chacun de se renseigner et de se lancer dans cette aventure. Je ne peux dire qu’une chose, celui ou celle qui se sent un peu perdu, confus...qui cherche à se (re)trouver, Vipassana est un lieu idéal pour s’isoler et apprendre sur soi, un voyage au centre du soi.

Notre service se termine le jour de l’an. Nous ne pouvons penser meilleure manière de commencer cette année 2012. Nous faisons de bons amis et on nous ramène jusqu'à LA ou Yvonne, une taiwanaise nous invite chez elle. Après avoir travaillé dix ans pour une entreprise de construction elle s’est décidé à quitter son travail et prendre du temps pour trouver sa voie. Elle a 35 ans et voici maintenant 1 an et demi qu’elle prend son temps. Elle est très touchée par notre aventure et notre philosophie et s’identifie complètement. Le retour dans la civilisation est intense, trafic pesant, stress omniprésent, certains appellent ça la “vie réelle” pourtant cette “vie” ne m’a jamais paru aussi irréelle. Los Angeles nous apparaît encore plus folle...une ville désignée pour consommer, pour conduire, pour dépenser et gaspiller.

A Vipassana, nous rencontrons Shiva, une jeune femme de 37 ans, iranienne qui est venue au Etats-Unis quand elle avait 19 ans avec sa mère. Elle va à San Francisco et se propose pour nous emmener. Elle a passé dix ans de sa vie à gravir les échelons du système pour devenir une “businesswomen” hors pair..et se rendre compte que cette vie ne lui plaisait pas. Elle a quitté son travail il y a plusieurs mois et cherche un changement, une opportunité pour faire ce qui la motive réellement. Elle est touchante, belle, riche, pleine de réussite et pourtant elle se sent perdue, confuse...elle se sent comme une esclave et le pire est qu’elle “s’exclavise elle-même”. Elle nous dépose à Palo Alto, une ville riche située en plein centre de la Silicon Valley, nous restons chez la tante de Yazmin qui a hérité d’une maison. Elle s’occupe de nous comme une mère. En comptant vipassana, cela fait un moi que nous n’avons rien recyclé...une occasion idéale pour prendre du recul. Une pause dans le voyage...pour se convaincre un peu plus encore que notre système est voué a l'échec et qu’il est urgent de trouver d’autres chemins.

Nous faisons un peu de stop pour arriver jusqu’au centre de San Francisco, Aicha, une marocaine s’en occupe me rappelant la bonté des marocains. A San Francisco nous profitons de la gentillesse de Wally, rencontrée elle aussi à vipassana, c’est une femme de 60 ans, adorable qui nous dorlote et nous donne tout son amour. San Francisco est une ville très intéressante, berceau des Freegans, un mouvement alternatif qui consiste a profiter du gaspillage de la société et construire une culture alternative. D'entrée nous nous connectons avec Food Not Bombs, un mouvement qui consiste à recycler de la nourriture, la cuisiner et la servir dans la rue. L’objectif n’est pas tant de donner à manger aux sans-abris mais plutôt de sensibiliser les gens par rapport a la nécessité de partager aujourd’hui, de manger ensemble, d’occuper les rues et donner nos surplus. Ceux qui viennent sont bien souvent les sans-abris, mais il y a de la soupe pour tout le monde... et 100% végétarien. Nous aidons a servir et découvrons les sans-abris qui semblent avoir choisi ici de vivre en marge..il ont choisi de sacrifier le confort pour leur liberté.

Tout en visitant la ville, nous participons à plusieurs services et rencontrons pas mal de gens intéressant, il y a toute une culture “underground” qui travaille dur pour faire émerger cette culture et s'écarter du système. En général, la ville de San Francisco est aussi plus “écologique”, recyclage, compost, beaucoup de restaurants et magasins avec des produits essentiellement organiques, Rainbow Groceries est un exemple, un supermarché sans chef ni manager, les employés sont leurs propres patrons, tout est organique, végétarien et le soir, à la fermeture, ils donnent les surplus.

Ensuite nous allons a Oakland en stop...à 15 kilomètres de San Francisco. Nous y retrouvons Marissa qui vient de rejoindre l’aventure avec une nouvelle caméra video. Elle s’est décidée à faire u film sur ce voyage et plus particulièrement sur ce qui peut pousser des gens comme nous a sortir du système et chercher des voies alternatives. Oakland est une ville géniale, dans l’ombre de San francisco, elle accueille beaucoup de rejetés et tous ceux qui veulent vivre en marge. Ainsi nous découvrons que Occupy Oakland est très actif et que des dizaines de squats permanents animent la scène culturelle. Toute une génération révolutionnaire venue des quatre coins du pays s’est réunie a Oakland et chaque jour de nouveaux “vagabonds” arrivent en sautant des trains. Cette culture est passionnante, ils vivent dans des squats, recyclent leur nourriture en faisant “Dumpster Diving”, il voyagent en stop ou “train hopping”, publient des magazines anarchiques, occupent les places publiques, etc...


Nous nous passionnons pour ce mouvement si vivant, cette vibration qui laisse espérer un changement. Cela reste une minorité mais ils travaillent dur, et sont très engagés. Leur volonté n’est pas de détruire le système mais de créer un "sub-culture', une culture alternative qui émergera lorsque le capitalisme chutera. Nous les aidons pour leur grande manifestation du 20 janvier. Ils se sont tous rassemblés à San Francisco, dans le “financial district” pour bloquer les portes des banques. Nous aidons au service de la nourriture car une révolution ne peut se faire le ventre vide! Le lendemain, nous quittons la “bay area” pleins d'enthousiasme et d'énergie, convaincus plus que jamais que le monde change, les gens changent...Il faut être patient cependant, nous le confirmons en essayant de faire du stop. 
Nous nous retrouvons bloqués dans un quartier chinois à l'extérieur de la ville...personne ne s'arrête et nous nous réfugions dans le parking d’un grand supermarché pour y passer la nuit. Nous avons une tente ou nous pouvons dormir tous les trois, créant suffisamment de chaleur humaine pour dormir à poings fermés.


Le lendemain, une pluie fine mais incessante nous accompagne pour tenter de nouveau le stop...nous attendons deux heures avant qu’une voiture s'arrête...la police, appelée par quelqu’un qui ne semblait pas très heureux de nous voir faire du stop. Heureusement, l’officier est sympa et accepte de fermer les yeux pour cette fois-ci...30 minutes plus tard, Vincent s'arrête pour nous emmener un peu plus loin! Une dizaine de kilomètres, pas plus, mais le premier pas est toujours le plus important. La chance nous sourit de nouveau et nous avançons sur la cote pacifique jusqu’à Santa Cruz, les plages sont magnifiques, l'océan est agité, de grosses vagues s’abattent continuellement sur le sable fin, l’eau est d’un gris intense et le paysage magnifique. Nous retrouvons Andres a Santa Cruz, un ami de Mexico. Nous recyclons pas mal de nourriture avec lui, les gens de Santa Cruz sont très ouverts, une grande communauté hippie avait pris possession des lieu dans les années 70...Il y a aussi un groupe d’anarchique qui ont un collectif avec un café/bibliothèque anarchique, une “Bike Kitchen, Computer kitchen et Fabrica”, trois lieux ou chacun est libre d’utiliser les outils présents pour réparer son ordinateur, ses habits ou son vélo.
Nous ne restons pas longtemps et nous nous apprêtons à affronter la route de nouveau, sans peur pour rejoindre Los Angeles avant de partir pour Utah. Nous sommes tous les trois très motives, Marissa Yazmin et moi-même, le coeur gonflé par le changement qui secoue la société américaine, nous ne sommes pas seuls, une armée “underground” gigantesque et pacifique se prépare aux quatre coins du monde, l’évolution est en marche, la révolution à déjà commencé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.