dimanche 21 novembre 2010

Colombie!

Nous rentrons en Colombie par la route la moins parcourue, grâce aux ¨guajiros¨, les habitants du Guajira, une région coincée entre le Vénézuela et la Colombie. Les ¨Wayuu¨ étaient présents dans cette région bien avant l´arrivée des espagnols et bénéficient donc d´un statut spécial. Ils ont les deux nationalités et semblent vivre sous des lois différentes… ils sont redoutés par la population et la police préfère ne pas se mêler de leurs affaires. Alors que nous voyageons à l´arrière d´un camion avec une douzaine de personnes qui carburent au whisky, nous apprenons que lorsqu´il y a un problème entre les ¨guajiros¨, ils s´en occupent eux-mêmes… et ça ne termine pas bien, en général ! Ils nous assurent cependant qu´en étant avec eux, on ne risque rien ! Nos premiers pas en Colombie nous emmènent a Maicao, la principale ville de Guajira. Elle est connue pour son taux assez extraordinaire d´échanges illégaux, dans tous les domaines. Et bien sur, l´essence, qui est 50 fois plus chère qu´au Vénézuela… les Wayuus s´occupent du transport, puisqu´ils sont hors-la-loi, de toute façon !

Le destin, si l´on peut dire, voulait apparemment que nous passions par Maicao : la première nuit, nous rencontrons un journaliste qui nous inclut dans son programme matinal à la télévision locale. Nous nous réveillons à 6h pour répondre aux questions de Alejandro et Aristides. L´un des deux est prof dans une université technique et il insiste pour que nous venions faire une conférence. Quelques heures plus tard, nous sommes donc en face d’une centaine d’étudiants impatients d’écouter nos histoires. Nous parlons plusieurs heures au sujet du voyage, de notre philosophie de vie et de comment nous pouvons tous agir pour sauver notre planète. L’échange est riche, des dizaines de questions et nous les laissons le coeur rempli d’énergies nouvelles! Nous passons ensuite un cours instant dans une autre émission télévisé “descargate”, un programme pour jeunes et nous reprenons la route en direction de la cote. Arrivés à Riohacha, nous parlons avec la presse et la télévision de nouveau, ces quelques jours se transforment en un véritable parcours médiatique. Nous nous baignons dans les eaux obscures de la baie et nous essayons de faire du stop…la différence est frappante avec le Vénézuela. Sans comprendre pourquoi, l’auto-stop devient un véritable odyssée et nous ne parvenons pas à quitter la ville. Nous sommes recueillis par les soeurs capucines qui nous dorlotent et nous bénissent chaleureusement en priant Saint François d’Assises de nous venir en aide…l’appel fut entendu, la police s’occupe de nous et nous arrange un voyage.
Il y a des contrôles de police partout, à la fin de chaque ville…la route n’est sure que pour les cinq dernières années, beaucoup de conflits perturbent les forets alentours. Tout à l’air pacifique en surface mais nous comprenons très vite que les routes ne sont pas si calmes…ceci constitue sûrement la raison principale qui dissuade les automobilistes de s’arreter pour nous. En effet, la situation est plutôt tendue. Juan Manuel Santos, un président élu de droite a pris les rennes du pouvoir après Mr Uribe, l’ancien président qui était resté au pouvoir durant 8 ans pendant lesquels il a fait de grandes avancées contre la guerrilla. Uribe et Santos sont effectivement très impliqués dans la lutte contre la guerrilla et les cartels de drogues…cependant, nous rencontrons un jeune étudiant engagé qui nous conte une histoire quelque peu différente. Le gouvernement avait crée les groupes paramilitaires, sorte de mercenaires qui se sont déployés dans la jungle. Aujourd’hui, le nombre de guerrilleros a fortement diminué, de 50 000 à 8 000 personnes selon certaines sources. Ceci est peut-être vrai, cependant, nous apprenons aussi que les groupes paramilitaires n’ont fait que les remplacer. Ce sont eux aujourd’hui qui, au coté des riches “terratenientes” s’occupent de protéger les commerces de cocaïne. La situation est donc devenue encore plus compliquée avec un duel à trois entre la police, la guerrilla et les paramilitaires…et tous luttent pour une seule et même chose: l’argent…l’argent qui vient principalement des États-Unis et d’Europe, l’argent des consommateurs qui oublient parfois que la poudre blanche dont 80% vient de Colombie est souvent teintée de sang…
L’actuel président a aussi été impliqué dans plusieurs scandales…pour s’assurer que la police fasse bien son boulot, lorsqu’il était alors ministre de la défense, il a mis en place une prime qui récompenserait les agents selon le nombre de guerrilleros tués. Le résultat fut 25 000 innocents, sans-abris ou paysans abandonnés en plein champagne qui furent fusillés puis habillés comme des combattants pour les compter comme des guerrilleros. L’histoire a fait beaucoup de bruit…mais la famille Santos contrôle environ 30% des médias et il fut élu président quelques mois plus tard. Le gouvernement présente ses failles. En Colombie, tout le monde critique le fou d’à coté, Chavez et sa fausse révolution…pourtant un coup d’oeil rapide et on peut constater que si l’économie est certes en meilleur état, l’inégalité croit à un rythme effrayant. Cartagena est un bon exemple, la vielle ville, la partie coloniale est très jolie, bien conservée avec des boutiques de première classe et des restaurants de luxe…de l’autre coté des murailles, 70% de la population vit dans des conditions d’extrème pauvreté. Une économie à deux vitesse qui mine le pays tout entier et creuse chaque jour un fossé plus grand entre les plus riches et les plus pauvres…
Nous arrivons finalement à Barranquilla avec un bus grâce à la police qui l’a arrêté pour nous. Nous attendions depuis plusieurs heures sans résultat. Nous découvrons un monde de drogues et prostitutions dans la banlieue…personne ne veut nous héberger et nous errons désespérés jusqu’à ce qu’un type un peu fou s’approche de nous et nous invite à dormir chez lui…il est étrange et semble honnête malgré ses yeux rouges...il nous emmène dans son humble maison et au lendemain partage son petit-déjeuner avec nous. C’est parfois dans les endroits les plus obscurs que l’on trouve les lumières les plus brillantes. Après cette étrange rencontre nous longeons la route pleine de déchets jusqu’au prochain contrôle de police. Ils nous arrangent un taxi qui nous dépose au milieu de nulle part. Nous patientons plusieurs heures sous un soleil de plomb jusqu’à ce qu’un mini van de la police s’arrete et nous dépose au prochain village. Là, la police de nouveau nous aide pour que nous puissions monter dans un bus pour arriver à Santa Marta…c’est la première fois que nous rencontrons autant de difficultés pour voyager! Dans la ville, nous peinons à trouver un toit, les pompiers, la croix rouge et la police nous refusent…nous terminons dans un centre commercial où l’employé nous réveille à 5 heures du matin. Nous pouvons donc profiter du lever de soleil en observant, amusé, tous ces gens qui courent de bon matin pour rester en forme. Nous recyclons quelques fruits et nous parvenons à faire du stop jusqu’à Taganga, un village caché dans une crique magnifique qui borde une eau merveilleuse. Nous rencontrons des jeunes intéressés et intéressants qui partagent avec nous leurs maisons et leur nourriture.
Le lendemain matin, nous luttons pour se faire prendre en stop et nous arrivons finalement à un petit village à 60 kilomètres de Cartagena. Les gens sont adorables dans ce village…comme souvent dès que l’on s’éloigne des grandes villes. Ils nous invitent à manger du riz, "frijoles" et un peu de salade…puis, alors que nous patientons jusqu’au coucher de soleil au bord de la route, les pouces levés en vain, un groupe de jeunes arrêtent un camion pour nous et le persuadent de nous emmener. L’homme est un personnage, il n’a qu’un bras mais semble avoir un grand coeur et il nous invite à monter à l’arrière de son camion, directement dans le conteneur. Commence alors un festival psychédélique de sons et lumières à l’intérieur…une expérience forte où nous explorons le fond de nos pensées.
Nous arrivons dans la nuit noire à Cartagena, prêt du port, le chauffeur est adorable, il a même payé la police alors qu’ils nous avaient découvert. Ici, tout se paye ou s’arrange. Un taxi nous emmène gratuitement jusqu’au centre et nous découvrons la ville dans une ambiance feutrée…magique, le centre est très beau, le style colonial a été très bien préservé…il y a aussi plein de touristes et beaucoup de restaurants, une aubaine pour nos ventres affamés! Plus il y a de restaurants et plus il y a de restes! Une bonne poignée de voiliers proposent le voyage pour la modique somme de 400 dollars…nous essayons de parler avec les capitaines en proposant des échanges de services mais l’argent a trop d’importance pour la plupart…pendant ce temps nous profitons de la multitude de restaurants de toutes sortes, nous profitons de la générosité de trois propriétaires d’auberge de jeunesse qui nous hébergent…durant ces jours-ci, chaque personne qui nous demandait si le voyage n’était pas trop dur n’obtenait en réponse qu’un grand sourire! Nous n’avions jamais été autant au restaurant! La plupart des gérants furent très généreux avec nous…pour être franc, nous n’avons que très peu recycler, la majeure partie du temps, nous étions tout simplement invités…merci à tous pour ces moments luxueux…
Le centre de Cartagena est vraiment une merveille, 400 ans d’histoire préservés, des murs aux couleurs vives, des balcons de bois sculptés et des toitures anciennes…une ambiance charmante légèrement gâchée par l’industrie du tourisme. Beau…mais étrange, ces riches qui profitent des terrasses luxueuses alors qu’un simple coup d’oeil de l’autre coté des murailles et c’est une toute autre réalité qui s’offre à nous. Le vieux centre est protégé, à peine quelques sans-abris y parviennent, plus loin, une presque’ile domine la ville, gardée par les militaires. Dedans, de hautes tours de bétons qui s’élèvent impunément, un paradis pour les riches Colombiens de Bogota, la capitale qui viennent passer les fins de semaines dans leurs appartements de luxe…de l’autre coté de la baie, les quartiers pauvres qui ne peuvent que contempler l’abondance dans laquelle vivent les classes hautes et indifférentes du pays. Ils sont voisins, certains luttent chaque jour pour un bout de pain, vivant dans des constructions de tôles et de briques et d’autrent voyagent en avion chaque semaine en consommant des fruits de mer en bord de plage…
Inégalité est le premier mot qui vient à l’esprit en pensant à la Colombie. Le pays est magnifique, très riche avec beaucoup de ressources, des gens adorables…mais un pays ruiné par la guerre des drogues et l’injustice sociale. Comme toujours, personne ne peut en être rendu directement responsable…nous le sommes tous…et plus particulièrement ceux qui consomment de la cocaïne, impunément sans penser aux conséquences. Nous savons depuis longtemps maintenant que les protagonistes de la guerre des drogues en Colombie ne sont pas les colombiens…mais plutôt les acheteurs…et la plupart sont aux États-Unis et en Europe.

Article précédent:
La traversée de l'Atlantique
La decouverte du bresil
Dans les guyanes
Du Guyana au Venezuela
Fascinant Vénézuela...

Photos de la colombie: liens

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