lundi 5 mars 2012

A la recherche de Suelo



Cela fait deux ans que nous avons découvert le site internet de Daniel suelo, cet homme mystérieux qui vit sans utiliser l’argent depuis maintenant 11 ans. Il est l’une des raisons pour laquelle nous avons décidé entreprendre ce voyage de “l’autre côté”, nous voulions découvrir sa tanière et comprendre son histoire. Durant ces 11 années, il a vécu dans une caverne, près de Moab, dans l’état de Utah, pays des canyons et pierres rouges.





Nous abandonnons donc Los Angeles sans trop de regrets après avoir profité une fois de plus de la capitale du gaspillage. Un beau matin d'hiver californien, le ventre plein, nous nous lançons vers l’Est. Nous nous attendons à d’extrême difficultés pour s’échapper de cette mégalopole...et pourtant, à notre grande surprise, rien n’est plus facile. Les “rides” s’enchaînent et nous nous retrouvons vite en plein désert de Mojave. Peu de traffic mais la chance nous sourit. Deux jeunes militaires de la Air Force s’arrêtent. C’est Samedi, jour de repos, ils se baladent sans directions précises et se décident à nous donner un coup de pouce. Sur une route des plus rectilignes qui soit, nous entrons dans une discussion existentielle profonde, Jared et Josh sont touchants, la vingtaine, ils se sentent esclavisés, pris dans une impasse d’où ils ne voient aucune sortie. Notre rencontre les inspirent et ils se font un honneur de prolonger cet instant en nous emmenant jusqu’à Las Vegas à 200 miles de là.



Nous arrivons au coucher de soleil, Samedi soir, le meilleur jour pour s’attrister devant le succès de ces casinos immenses qui rivalisent d’extravagance pour attirer les milliers de touristes venus des quatre coins du pays. Sur les trottoirs, les mexicains distribuent des cartes pour vendre du sexe aux passants. Nous nous écartons du centre pour rejoindre “Occupy Las Vegas” situé sur un parking à quelques blocs du “strip”. L’ambiance est chaleureuse et le contraste excitant. Un campement anarchiste juste en face des immenses hôtels luxueux.

Malheureusement, si les occupants sont sympas, l’esprit communautaire est absent, une troupe de personnages atypiques sans objectif commun qui s’est réunie pour louer un parking. Nous sommes un peu déçu tout en devant reconnaître que le lieu est difficile...La capitale du consumérisme. De plus, quelqu'uns luttent sincèrement, des artistes qui s’acharnent en expliquant que Las Vegas, plus que tout autre lieu au monde a besoin d’activistes!


Deux jours nous suffisent et nous poursuivons....deux heures d’attente et un ride qui nous emmène à quelques miles en plein centre de North Las Vegas, l’endroit à éviter, la partie pauvre de Las Vegas. Deux prisons y sont installés et la route est bordée de panneaux qui interdisent les automobilistes de prendre les auto stoppeurs. Nous essayons en vain de faire du stop, passons la nuit sous la tente après avoir recyclé un cinema et des pop corn. Le lendemain, une policière nous demande aimablement de ne pas insister et de ne pas faire de stop ici...nous essayons les stations essence mais les sacs-à-dos à peine posés, les managers nous chassent. Beaucoup de vagabonds traînent dans les parages et sont guère appréciés.


Mick, un vagabond “professionnel” vient à notre rencontre, il a 50 ans, une femme et un enfant mais il préfère être sur la route. “That’s living” dit-il et nous conseille de prendre notre mal en patience...”ain't no hurry”. Il a raison. Nous nous réfugions dans un fast food pour se reposer et essayer de trouver un moyen de sortir de la ville. Nous décidons de marcher...et au moment où nous prenons nos sacs, une blonde tatouée s’approche, Olivia, une ex-vagabonde qui a vécu sur les routes dès l’âge de 14 ans. Maintenant elle a 40 ans et une enfant...et l’aventure lui manque, elle nous offre un ride pour sortir de la ville! Inespéré! le destin frappe encore. Elle travaille dans le recyclage et nous apprenons que la plus grande décharge des Etats-Unis se situe à Las Vegas. Elle aimerait bien vivre ailleurs mais d'un autre côté elle sent que cette ville a besoin de changement et qu'elle peut y contribuer. Elle nous dépose en plein désert à un croisement. Très peu de voitures passent par là mais nous sommes trop heureux d’être sorti de la ville pour y penser. Trente minutes plus tard, une voiture s’arrête. un autre ange qui va jusqu’à Colorado et passe tout près de Moab...un rêve, nous exultons en passant du désespoir à la joie intense, c’est la magie de l’autostop!
7 heures plus tard et 20 degrés de moins, il nous dépose dans une station de repos. Il fait environs -7 degrés, nous mettons tous nos habits et nous dormons serrés dans la tente. Quelques frissons plus tard l’aube apparaît...les “Canyons lands” s’ouvrent devant nous, un océan de pierre rouges et les cimes des montagnes enneigées. Nous nous mettons en marche et arrivons dans la journée à la bibliothèque municipale où nous rencontrons Suelo.


Suelo a la cinquantaine, un sourire enfantin et un regard franc, un tantinet excentrique avec son chapeau à plume et son vélo déguisé en pélican. Il vit dans une petite caverne dans un canyon à environs une heure de la ville de Moab. Il nous invite à rester dans sa “caverne d’amis” où nous resterons une semaine. Nous vivons avec peu, profitant de la fraîcheur du climat, chantant autour du feu et s’offrant quelques balades nocturnes pendant la pleine lune. Les paysages sont indescriptibles, ce que nous ressentons aussi. Suelo fut une grande source d’inspiration et continue à nous inspirer, non seulement pour son mode de vie mais plus pour son attitude face à la vie, sa sérénité, sa compréhension du monde et de son prochain. Il semble en paix avec lui-même, chantant à l’aube avec sa guitare, s’alimentant de baies sauvages, des poubelles, il cultive son jardin intérieur en privilégiant le bonheur personnel à l’activisme frustré. Les mots manquent pour “conter” Suelo. Vous pouvez regarder son site internet: Livingwithoutmoney et un livre vient d’être publié : The man who quit money.




Après notre séjour dans la cave, nous profitons de l’hospitalité de Bruni, une allemande réfugiée au pays des canyons et nous repartons bien réchauffé sur les routes enneigées de Colorado. Une courte halte à Boulder et nous descendons dans l’Etat de New Mexico pour visiter Earthships, une entreprise qui construit des maisons auto-suffisante avec des matériaux recyclés. Nous rencontrons Andrew qui traverse le pays seul dans sa voiture....et accepte de nous emmener jusqu’à Dallas au Texas. Marissa se sépare pour continuer sa route jusqu’à New York et Yazmin et moi-même continuons notre route vers le Sud. Nous passons quelques jours dans un centre de méditation comme volontaire puis nous traversons l’Etat de Texas avec quelques difficultés...le stop est difficile, la police ne nous laisse pas en paix mais nous parvenons finalement à traverser la frontière jusqu’à Reynosa. 



En chemin, nous découvrons la force de l’industrie pétrolière, depuis la guerre en Irak, les Etats-Unis ont dû accéléré l’exploitation de leurs réserves au Texas. Ainsi, le long de la route, nous pouvons voir les forages et entreprises qui redoublent d’effort pour extraire le pétrole et le gaz naturel. Nous rencontrons plusieurs travailleurs qui passent 18 heures de suite sur les sites d’extraction, exposés aux produits chimiques utilisés, plusieurs perdent la vie en travaillant, ils n’ont que quatre heures de repos entre deux sessions. Jonatan, un mexicain nous explique qu’il n’y a pas de job mieux payé dans la région, c’est dur et risqué mais il gagne plus qu’un docteur en faisant plus de 170 000 dollars à l’année…il ne sait pourtant pas quoi faire avec tout cet argent, il a deux maisons et trois voitures mais vit constamment dans les hotels…il n’aime pas vivre seul et n’a pas le temps de rencontrer quelqu’un. Plus tôt, nous avions rencontré à Brian, un jeune qui a eu un cancer à l’âge de 21 ans et grâce à une chimiothérapie douloureuse s’en est sorti. Aujourd’hui, il voit la vie avec une toute autre perspective et son expérience douloureuse lui a ouvert l’esprit et le coeur. Ces rencontres illustrent le contraste du Texas, un état riche en plein développement, l’exploitation volontaire des travailleurs et la montée d’une culture alternative à Austin où le mouvement Occupy est bien présent et actif.



Le retour au Mexique est incroyable comme toujours...les gens sont adorables et serviable, l’auto-stop fonctionne à merveille et en quatre jour nous descendons jusqu’à la ville de Mexico tout en visitant la magnifique “Huasteca Potosina”. Ainsi se termine notre excursion de l’autre côté, 15000 kilomètres, des centaines de rencontres enrichissantes et la même vérité qui résonnent dans nos oreilles. Le changement est en marche et les gens sont bons. Il suffit de faire confiance, d’avoir foi en l’autre pour vivre les expériences les plus incroyables. Il faut faire le premier pas, s’ouvrir, abandonner ses peurs et sourire à l’avenir. Les Etats-Unis représentent le capitalisme, le consumérisme, mais en même temps, nous avons rencontré une “sub-culture”, toute une génération d’indignés qui veulent le changement et se réveillent chaque jour un peu plus pour changer au niveau personnel et s’organiser pour un changement collectif.

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